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Développer le secteur des noms de domaine en Afrique : l’enjeu des infrastructures et des politiques

June Okal, responsable principale en charge de la relation de l’ICANN avec les parties prenantes en Afrique orientale et australe

Ce billet est le sixième d’une série consacrée à l’étude sur le secteur des noms de domaine en Afrique, menée en 2023. Les billets mettent en contexte et expliquent les données et les informations recueillies au cours de l’étude. L’étude sur le secteur des noms de domaine en Afrique 2023 présente un aperçu complet de la croissance, des enjeux et du potentiel futur du secteur des noms de domaine à travers le continent. Elle a été commandée par l’ICANN et menée par PowerSoft Africa, en collaboration avec la Coalition pour une Afrique numérique. L’étude s’appuie sur des données de référence établies en 2016 et fournit des informations à jour sur l’état actuel du secteur des noms de domaine en Afrique.

Développer le secteur des noms de domaine en Afrique : l’enjeu des infrastructures et des politiques

L’étude sur le secteur des noms de domaine en Afrique 2023 met en évidence un moment de transformation pour l’infrastructure Internet africaine. Malgré une croissance remarquable, des problèmes persistent qui empêchent le plein essor du secteur des noms de domaine sur le continent. L’étude identifie des barrières technologiques et réglementaires et propose des recommandations pour libérer le potentiel du secteur des noms de domaine en Afrique.

Comprendre l’enjeu

Le paysage du secteur des noms de domaine a connu une évolution significative, le nombre de domaines de premier niveau géographiques (ccTLD) ayant doublé depuis 2016. Or, cette croissance est inégale à travers le continent. Des coûts élevés, des infrastructures limitées, une faible littératie numérique et des contenus locaux insuffisants demeurent autant d’obstacles au progrès. L’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria sont les chefs de file de la région, alors que d’autres pays tels que l’Érythrée et le Soudan du Sud connaissent des progrès graduels. Combler ces fossés est une condition essentielle pour promouvoir une croissance inclusive de l’économie numérique africaine.

Facteurs technologiques : construire la dorsale

L’infrastructure reste le fondement d’un secteur des noms de domaine robuste. L’étude attire l’attention sur un certain nombre de besoins urgents :

  1. Connexions large bande abordables et accessibles : les coûts du haut débit découragent l’utilisation de l’Internet et limitent l’enregistrement des noms de domaine. À l’heure actuelle, les Africains utilisent environ 4 % de leur revenu mensuel pour payer 1 GB de données, soit deux fois plus que l’objectif de 2 % fixé par la Commission du haut débit.
  2. Expansion des IXP et des centres de traitement de données : les points d’échange Internet et les centres de traitement de données locaux contribuent à réduire la latence, à baisser les coûts et à encourager l’hébergement de contenus locaux. L’Afrique compte aujourd’hui 63 IXP dans 38 pays, mais cette couverture doit être élargie, en particulier dans les régions faiblement desservies.
  3. Mise à niveau des réseaux mobiles : l’accès à Internet de la plupart des Africains se faisant à travers la téléphonie mobile, la mise à niveau des réseaux à au moins la 3G ou la 4G est tout à fait impératif. L’étude fait état d’avancées prometteuses avec le lancement de réseaux 5G dans neuf pays.

Ces avancées jetteront les bases d’un secteur des noms de domaine plus connecté et productif, capable d’améliorer l’accès à des services numériques et de promouvoir des opportunités économiques.

Barrières réglementaires : repenser les politiques

Les cadres politiques et réglementaires jouent un rôle central pour façonner le paysage du système des noms de domaine (DNS). L’étude identifie plusieurs domaines clés pouvant faire l’objet de réformes :

  1. Simplification des règles d’enregistrement des noms de domaine : des processus d’enregistrement de noms de domaine simplifiés et transparents encouragent la participation. Par exemple, la suppression de politiques restrictives, tels que l’exigence d’avoir une présence sur place, peut contribuer à ouvrir le marché à un public plus large.
  2. Modèles de prix basés sur les coûts : les frais d’enregistrement de domaines doivent être faibles et basés sur les coûts afin de stimuler la demande. Des frais trop élevés incitent les utilisateurs à se tourner vers des domaines de premier niveau hébergés à l’étranger, ce qui réduit les revenus de l’industrie locale.
  3. Promouvoir des initiatives d’administration en ligne : les gouvernements peuvent jouer le rôle de « clients d’ancrage » en hébergeant leurs services dans des ccTLD locaux. Ceci permet non seulement de stimuler la demande de domaines locaux, mais aussi de favoriser la confiance dans la fiabilité de l’infrastructure numérique nationale.

La Stratégie de transformation numérique pour l’Afrique de l’Union africaine (2020-2030) met l’accent sur l’importance des ccTLD en tant que ressources nationales critiques, ce qui est tout à fait en ligne avec ces recommandations.

Encourager la création de contenus locaux

La prospérité du secteur des noms de domaine repose sur une offre de contenu local pertinente, capable de susciter l’intérêt des utilisateurs. L’étude appelle à :

  1. Promouvoir les langues autochtones : soutenir la création de contenus dans les différentes langues africaines est un facteur clé pour promouvoir l’inclusion et élargir l’adoption de l’Internet.
  2. Mettre en place des campagnes de littératie numérique : doter les citoyens des compétences nécessaires pour créer, gérer et utiliser des contenus numériques est un élément essentiel. Des programmes de formation axés sur le développement des capacités techniques et entrepreneuriales permettront de former une nouvelle génération de créateurs numériques.
  3. L’administration en ligne comme élément catalyseur : les gouvernements devraient montrer l’exemple en numérisant les services publics et en encourageant l’utilisation de domaines locaux.

Quelles perspectives pour la suite ?

L’étude propose une feuille de route pour relever ces défis et promouvoir un écosystème du DNS prospère en Afrique. Les principales recommandations préconisent des ajustements au niveau des politiques, invitant les gouvernements à donner la priorité à l’inclusion numérique, à réduire les coûts de l’Internet et à harmoniser les cadres réglementaires. L’investissement dans les infrastructures est tout aussi essentiel, l’accent étant mis sur la nécessité d’accélérer le développement des points d’échange Internet (IXP), des centres de traitement des données et des réseaux à large bande afin de garantir un accès fiable à Internet.

Par ailleurs, le renforcement des capacités locales par le biais d’initiatives de formation et des campagnes de sensibilisation peut stimuler la demande d’enregistrement de domaines et la création de contenu en ligne, contribuant ainsi à un écosystème numérique plus robuste.

La Coalition pour une Afrique numérique joue un rôle critique dans cette transformation en fédérant les parties prenantes pour relever ces défis systémiques. La coopération entre les gouvernements, les acteurs du secteur privé et les organisations internationales peut favoriser un environnement propice à la croissance numérique de l’Afrique.

Prochaines étapes

Le secteur des noms de domaine en Afrique possède un immense potentiel de transformation numérique, de croissance économique et d’inclusion sociale. En s’attaquant aux obstacles technologiques et réglementaires décrits dans l’étude, le continent peut construire un écosystème numérique plus résilient et plus inclusif. Grâce à des investissements stratégiques, à des réformes politiques et à des initiatives de renforcement des capacités, l’Afrique peut se positionner comme un acteur dynamique de l’économie numérique mondiale. Le chemin vers une Afrique numériquement autonome débute par des actions mises en œuvre dès aujourd’hui.